« Tu as finalement réussi à ruiner ta vie. »
Je cours sur The Strand à Londres, en sanglotant de façon hystérique. Les gens me dévisagent, mais cela m’est égal. Plus rien ne me dérange.
Tout ce que je veux faire, c’est m’enfuir.
Dix minutes plus tôt, j’étais dans une réunion importante. Je parlais devant un auditoire de 20 personnes quand j’ai été atteinte de plein fouet. Les palpitations cardiaques, la transpiration, la difficulté à respirer… Je pensais être en train de mourir ou de devenir folle. Peu importe, j’ai dû partir immédiatement.
Le lendemain, on m’a diagnostiqué une anxiété sociale et des crises de panique. Le médecin n’a mis qu’une trentaine de secondes pour coller une étiquette au monstre qui me traquait depuis des années.
« N’en avez-vous pas informé votre directeur ou le service des ressources humaines? », a-t-il demandé. J’ai failli lui rire au nez. Non. Personne n’était au courant au travail. En réalité, je cachais activement ma condition depuis dix ans. Que penseraient mes collègues si j’admettais mon anxiété? J’étais certaine qu’on ne me ferait plus jamais confiance du point de vue professionnel.
Il s’avère que je n’étais pas la seule avec cette attitude. L’an dernier, la BBC a rapporté que 300 000 personnes au Royaume-Uni quittent leur emploi chaque année, une conséquence directe d’un problème de santé mentale. Le plus fréquent est l’anxiété, suivie de la dépression.
Précisons les choses : ces personnes ne prennent pas de congé de maladie payé; elles démissionnent, tout simplement. Leur principale préoccupation? La peur d’être jugées négativement par les collègues ou la direction.
J’ai parlé à Lucy Graves, une responsable des relations publiques à Manchester. Elle a quitté un emploi qu’elle aimait, plutôt que d’admettre ouvertement sa condition :
Chaque fois que mon directeur me demandait de diriger une présentation pour un client, je paniquais. Il ignorait que j’étais anxieuse et j’étais terrifiée à l’idée de perdre mon emploi s’il l’apprenait. Je ne pouvais ni dormir ni manger pendant les jours précédant la présentation, et une fois celle-ci terminée, je m’enfermais dans les toilettes pour pleurer. J’ai quitté mon emploi avant que l’on découvre ma condition.
J’ai demandé à Lucie si elle avait songé à parler à son directeur avant de démissionner.
Non. J’avais peur qu’il informe d’autres employeurs ou d’autres contacts que je n’étais pas bien dans ma tête. Je ne voulais pas courir ce risque. Mieux valait partir.
Si le témoignage de Lucie ne ressemblait pas au mien, j’aurais trouvé son histoire incroyable. Cependant, cette crainte que l’employeur « découvre » notre condition peut être paralysante.
Après mon diagnostic, j’ai pris un congé et j’en ai profité pour rédiger mon blogue: We’re All Mad Here. Je voulais partager mes expériences et aider d’autres personnes à s’y retrouver dans le monde de la maladie mentale! Il est important de comprendre les conditions médicales, afin de contribuer à réduire la stigmatisation.
Avant de retourner au travail, j’ai également fait des recherches sur mes droits. J’ai découvert qu’au Royaume-Uni la maladie mentale est couverte par le Disability Discrimination Act, qui interdit à un employeur d’exercer une discrimination fondée sur ces motifs. En d’autres mots, une personne ne peut pas être congédiée pour cause d’anxiété.
Cette peur de perdre mon emploi à cause de ma maladie était non seulement irrationnelle, mais aussi erronée.
Concernant les soins de santé mentale adéquats en milieu de travail, des organisations telles que Mental Health First Aid (MHFA) commencent à faire évoluer la compréhension des employeurs, en particulier dans les grandes entreprises. Le MHFA organise des cours qui forment la direction au bien-être mental et à la façon d’aider un employé ayant une condition médicale. Extrait de leur énoncé de mission:
[TRADUCTION] « L’éducation sur la santé mentale permet aux gens de prendre soin d’eux-mêmes et des autres. En réduisant la stigmatisation au moyen de la compréhension, nous espérons faire tomber les obstacles au soutien dont les gens peuvent avoir besoin pour rester en bonne santé, se rétablir ou prendre en charge leurs symptômes – afin de s’épanouir dans l’apprentissage, le travail et la vie. »
Mais en fin de compte, c’est à la personne (donc à VOUS) de préserver sa propre santé mentale. Pour reprendre une de mes analogies favorites… Souffririez-vous en silence avec une jambe cassée? Ou si vous aviez vomi cinq fois dans les toilettes? Je ne crois pas que vous vous tairiez. Le cerveau mérite le même respect que le corps.
D’après mon expérience personnelle, je sais qu’il est temps d’agir quand:
Comment demander de l’aide:
Si je pouvais retourner en arrière et courir après cette femme hystérique sur The Strand, je lui dirais:
Je sais, vous souffrez d’anxiété. Ce n’est pas un crime! Il existe des moyens de prendre cette condition en charge; et si votre employeur ne veut pas vous soutenir, vous pouvez aller travailler ailleurs.