Nous devons maintenant affronter une nouvelle normalité. Nous sommes tous en train de réévaluer tout ce que nous savons. Nous nous retrouvons au milieu d’un nouvel ordre mondial sans savoir avec certitude ce que l’avenir nous prépare; nous nous adaptons à la situation et composons avec elle de différentes façons qui sont surprenantes, novatrices et ingénieuses.
Les aidants sont en première ligne de cette nouvelle normalité. Nous faisons face au changement ainsi qu’à de nouveaux défis durant ce retournement critique de nos vies. Étant déjà presque au maximum de nos capacités et compromis par le rôle d’aidant en lui-même, nous sommes maintenant confrontés à un nouveau parcours du combattant. Un parcours caractérisé par de nouvelles règles, un nouveau territoire à conquérir et une cible en perpétuel mouvement.
Comme le savent tous les aidants, on ne peut pas hisser le drapeau blanc et capituler devant le défi. Alors, quelles sont les autres solutions, et comment pouvons-nous composer avec tout cela? Quels trucs avons-nous appris et quelles tactiques pouvons-nous appliquer pour nous frayer un chemin à travers cette période exceptionnellement complexe? Comment nous y prendre pour non seulement survivre mais prospérer?
Garder les pieds sur terre et éprouver de la gratitude sont des nécessités vitales. Tout comme nous avons besoin d’oxygène, nous avons besoin de ces bouées pour nous permettre de respirer et de nous épanouir. L’équilibre et la gratitude nous permettront au bout du compte de franchir la ligne d’arrivée même quand elle s’éloigne de nous chaque fois que nous nous en approchons. Quand je ne sais plus à quel saint me vouer, je trouve que le fait d’accomplir des actions et d’adopter des pratiques toutes simples et pourtant décisives m’aide à me sentir positive et bien ancrée dans la réalité.
Je dois souvent me rappeler que je ne suis pas la seule à décider. Je crois fermement qu’un être supérieur existe et qu’il a un plan pour tout. Bien que j’en sois convaincue dans mon for intérieur, une autre partie de moi a tendance à l’oublier et m’amène à penser que je suis maître de mon destin. Si je peux contrôler la situation, les choses se déroulement exactement comme je le veux, rien de mal ne m’arrivera et rien de désagréable ne se produira.
La vérité c’est que je ne peux pas tout contrôler, que je me fais effectivement du mal, que des choses désagréables ou malaisées se produisent quand même et que les choses ne se déroulent pas toujours exactement comme je le veux. Je dois donc me concentrer sur les choses que je peux réellement contrôler, comme vivre dans l’instant, faire acte de présence et faire de mon mieux. Quand je lâche prise et que je m’en remets à Dieu, je suis capable d’accepter les choses que je ne peux pas changer et de laisser mon surmoi prendre les commandes pour diriger les opérations. À partir de là, je peux contempler et apprécier le paysage en cours de route en tant que passagère. Ça fait du bien de ne pas avoir à faire tout moi-même.
J’ai toujours éprouvé des sentiments profonds. S’il est primordial de se rappeler que les sentiments ne sont pas des faits, il est tout aussi important que je m’accorde la permission de ressentir mes sentiments pour ce qu’ils sont. Mes sentiments sont acceptables. Comme j’ai toujours été extrêmement sensible et émotive, il m’a fallu apprendre à être compatissante avec moi-même quand de nouveaux événements ou situations suscitent chez moi des sentiments profonds, dont certains me rappellent mon passé.
Parce que mes réactions risquent de me ramener à un évènement passé, je dois me rappeler qu’il s’agit simplement d’une réaction naturelle à une nouvelle situation… Une situation qui pourrait m’inciter à revenir en arrière, mais je ne dois surtout pas oublier que ce qui est passé est passé. La bonne nouvelle est que mon passé me confère sagesse et discernement et qu’il me rappelle que j’ai survécu à tellement de choses auparavant. Je ne peux pas contrôler ce qui m’arrive à moi, mais je peux contrôler ce qui se passe en moi.
Je peux prendre mes sentiments, m’asseoir avec eux, même s’ils me semblent affreux et inavouables, et reconnaître que je ne risque rien. Cela ne fait pas de moi une mauviette, ni une mauvaise aidante, ni une ratée si je prends le temps d’être en prise avec la tristesse, la peur ou la colère que je ressens et d’y consacrer mon énergie. Quand je m’accorde du temps pour éprouver des sentiments et pour guérir, j’honore mon cœur.
La vulnérabilité ouvre une porte que mes amis peuvent franchir. Laisser tomber mes défenses, demander de l’aide et confier ma douleur permet aux gens qui m’entourent de me témoigner leur soutien et leur amour. Quand je n’essaie plus d’être parfaite et que je fais savoir aux gens que j’ai besoin d’aide, je suis beaucoup plus courageuse que lorsque je souffre en silence. Laisser quelqu’un me remonter le moral me donne la force de remonter le moral des autres.
Le verre de mon père était toujours à moitié plein. Quelle que soit la situation, il avait toujours une attitude positive. Je me demandais souvent comment il pouvait demeurer aussi calme et serein, même quand il souffrait. Je me suis finalement rendu compte que c’est parce qu’il était perpétuellement reconnaissant. Pour lui, le secret du bonheur était la gratitude. Peu importe à quel point il lui était parfois difficile de voir le bon côté des choses, il cherchait toujours le bienfait qui pourrait lui inspirer un sentiment de gratitude. Il m’a appris qu’on peut toujours trouver quelque chose si on cherche vraiment. La douleur est inévitable, mais la souffrance ne l’est pas.
Pour adoucir ma souffrance, je commence par être reconnaissante du temps que je passe avec mon père. Son message positif qui consiste à être satisfait de son sort est profond et me pousse à demeurer ouverte à l’émerveillement et au possible. La gratitude est une attitude qui change la donne.
Rien n’est facile dans la vie d’un aidant, et les obstacles qui s’accumulent ces derniers temps sont encore plus décourageants. Douleur et souffrance, peur et inquiétude, chagrin et ennuis attendent toujours l’aidant au tournant. Et pourtant nous ne sommes pas seuls; nous pouvons faire des choses difficiles. Nous sommes courageux, parce que nous sommes tellement sensibles, et nous sommes forts, parce que nous choisissons l’amour plutôt que la peur, et ce tous les jours. En gardant les pieds sur terre et en éprouvant de la gratitude, nous pouvons conserver une attitude réaliste et être ouverts au changement. Nous pouvons avoir la certitude que tout finira par s’arranger, que tout ce qui arrive a un sens et que nous sommes exactement au bon endroit au bon moment pour la bonne raison. C’est une période de formidable bouleversement mais aussi une période de formidables possibilités. Je crois en nous.