La proche aidance et l’amitié: un amour solitaire

A senior man and woman share a moment with their dog, highlighting the bond of friendship and love in a serene environment.
Getty Images / Teena Gates

Elle a poussé un gémissement de plaisir en s’étirant voluptueusement sur mon lit.

Les yeux brillants, elle me fixait du regard pendant que je limais ses griffes noires luisantes avec ma lime à ongles après lui avoir pris la patte. Il est clair que les choses ont atteint un nouveau sommet si j’en suis réduite à faire une manicure à mon berger allemand dans mon lit à trois heures du matin.

#GoogleDog, ainsi nommée parce qu’elle peut « rechercher et trouver », et parce qu’elle s’est avérée une ressource précieuse aussi bien pour moi que pour mon père, qui est âgé de 95 ans et qui est atteint de démence vasculaire. J’ai secouru Google en l’adoptant auprès de la SPCA de Dublin, mais je pense plutôt que c’est elle qui nous a secourus.

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Lorsque j’ai visité l’abri pour animaux perché dans les montagnes de Dublin il y a quatre ans, mon intention était d’adopter un petit jack russell terrier. À l’époque, je cherchais un compagnon pour papa, qui vivait avec moi mais qui se sentait seul quand j’étais au travail. Lorsque je suis arrivée à la maison avec Google à mes côtés, il nous a accueillis à la porte avec un grand sourire et m’a demandé dans quelle écurie je comptais loger ce cheval. Deux ans et deux chutes graves plus tard, Google s’est découvert une nouvelle vocation en tant que chien guide, alors que l’univers de mon père est en train d’imploser… et le mien par la même occasion.

Une confidente inattendue

Papa avait 93 ans lorsque sa première chute grave a accéléré sa démence; malgré son âge avancé, cela ne m’en a pas moins surprise. Depuis ce moment, nous sommes entourés de signaux d’alarme, de moniteurs et de caméras qui visent à protéger papa et à m’alerter s’il sort du lit ou s’il se dirige vers les escaliers ou la rue, hors de vue.

Mais Google est meilleure que n’importe quelle alarme. Instinctivement et sans dressage, elle vient me chercher en courant si papa commence à errer sans but la nuit. Pendant la journée, quand il se sent délaissé et que je me sens frustrée, elle est toujours là, le museau humide, les oreilles soyeuses et les yeux doux, pour offrir affection et réconfort à celui d’entre nous qui en a le plus besoin. Parce que ce n’est pas seulement papa qui a des accès de tristesse.

Comme la dépendance de papa à mon égard s’amplifie, ma vie, telle que je la connais, est en train de changer. Inévitablement et irrévocablement, je ne suis plus la personne qui a entamé ce parcours il y a deux ans. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. À certains égards, j’ai grandi sur le plan affectif. Mon sens de l’humour s’est aiguisé, ma patience a augmenté de manière exponentielle et mes talents culinaires se sont épanouis jusqu’à en être méconnaissables... Mais en limant les griffes de mon chien aux petites heures du matin après avoir remis papa au lit, je constate à quel point je compte sur elle pour avoir une conversation entre adultes.

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Il y a de nombreuses occasions où la démence de papa l’empêche de me rejoindre sur la planète Terre et où Google est ce qui se rapproche le plus d’un ami. Elle est devenue ma confidente, et tapoter son oreille veloutée tandis qu’elle chemine à mes côtés dans la maison à pas feutrés remet fréquemment le monde à l’endroit.

Mes relations et mon mode de vie ont changé

Je suis soulagée de pouvoir affirmer que j’ai encore des amis du genre bipède, mais la plupart de mes relations ont changé radicalement. Même avec la plus grande empathie au monde, mes amis ont de la difficulté à comprendre que si je leur dis que je dois partir dans une heure, je parle sérieusement. En effet, une fois l’heure écoulée, chaque minute passée dans un embouteillage risque de retenir un aidant rémunéré à la maison avec papa alors qu’il devrait filer chez son prochain client.

Ensuite, il y a la conversation. J’avais l’habitude de parler de ma vie au travail dans le monde des nouvelles et de la politique; j’étais toujours au courant des derniers potins et du rapport le plus récent, constamment au fait des questions d’actualité à tous les échelons. J’avais des aventures à raconter sur la traversée de rivières à la nage, l’escalade de montagnes et la randonnée pratiquée d’un bout à l’autre du pays en kayak et à vélo. J’ai éprouvé des sensations fortes en prenant part à des triathlons et des épreuves de natation de marathon et en faisant du camping le long de la Wild Atlantic Way, cette route touristique côtière d’Irlande qui parcourt le littoral ouest du pays.

Maintenant, mes sujets de discussion tournent plutôt autour de la détérioration de la santé de mon père, du nombre de fois que je me suis levée pendant la nuit, des légumes que je cultive dans le jardin, des aventures de mon chien Google — même s’il faut reconnaître qu’elles sont amusantes —, et des comptes rendus occasionnels de ma lutte pour remplir les formulaires requis pour obtenir du soutien et des services. Sans parler des difficultés auxquelles je me heurte pour joindre les deux bouts depuis que j’ai quitté mon emploi à temps plein.

Je me dis que je dois paraître désespérée, ennuyeuse et bornée. Cela n’est peut-être pas vrai, mais je suis pleinement consciente de mes défauts lorsque vient le temps de divertir la tablée. Je ne sais plus quelles questions pertinentes poser à mes vieux amis à propos de leurs propres allées et venues, car j’ignore maintenant ce qui se passe dans leur vie. J’ai l’impression d’avoir perdu le contact avec leurs réalités, et il ne serait pas réaliste d’attendre d’eux qu’ils soient en contact avec les miennes. La plupart d’entre eux sont toujours là pour moi, mais nous n’arrivons tout simplement plus à communiquer de la même façon, et je sens que nous nous éloignons de plus en plus les uns des autres.

Une ancienne amie et collègue a mis fin officiellement à notre amitié par courriel, car elle « pouvait voir que j’aurais besoin de plus de soutien qu’elle était disposée à m’apporter ou en mesure de le faire ». J’ai aussi repoussé moi-même quelques personnes. Je sens à mon tour que je ne peux offrir le même niveau de soutien que par le passé, et je défends jalousement les rares et précieuses heures de relaxation que je peux passer loin de la maison et de papa. Il se trouve que je suis égoïste en ce qui concerne mon temps libre et que je choisis mes amitiés avec plus de circonspection, ce qui est à la fois pratique et affreux.

Comment tisser des liens dans la communauté d’aidants

La pandémie de COVID-19 a été épouvantable. J’ai pu me sentir isolée auparavant, mais les quatre mois de confinement m’ont fait souffrir terriblement et m’ont fait réaliser l’importance vitale de l’amitié.

Je me suis rendu compte non seulement que je veux des amis mais également que j’en ai besoin, et aussi que l’amitié doit être nourrie et cimentée. J’ai commencé à tendre la main à d’autres aidants sur les réseaux sociaux et j’ai noué immédiatement des liens étroits. Même si le vécu de chacun d’entre nous est différent, nous avons suffisamment de points communs pour nous permettre de trouver un terrain d’entente et de sceller notre amitié. Seul un aidant peut sauter de joie en découvrant un drap rose capable de contenir trois litres de liquide pour l’empêcher de pénétrer dans un matelas. (Envoyez-moi un message si vous n’avez pas encore découvert ce drap magique!)

Les autres aidants vous comprennent quand vous devez retourner précipitamment à la maison au pied levé ou raccrocher au beau milieu d’une conversation téléphonique. Nous avons des histoires à échanger au sujet de nos combats avec le gouvernement, de l’apprentissage de notre rôle d’aidant, du développement de nos compétences et de nos sources de frustration et de joie en général. Nous nous rappelons mutuellement que la joie est présente dans notre vie, parce que, quand nous dressons l’inventaire de nos difficultés, il est facile d’oublier que nous choisissons de prendre soin d’un être cher, que nous voulons en prendre soin et que nous aimons le faire. Cela dit, il nous est permis d’admettre qu’il nous arrive aussi de nous sentir seuls.

Comment je suis en train de redéfinir la socialisation

Confinée à la maison en tant qu’aidante de fraîche date qui se sent complètement abandonnée pendant la pandémie de COVID-19, je me suis appuyée sur mon expérience de la solitude pour dresser la liste des dix conseils qui, je l’espère, me permettront de réinventer ma vie sociale. Je vais tâcher par tous les moyens de suivre ces conseils et je vous tiendrai au courant de mes efforts.

  1. Prendre le temps de m’occuper de moi comme je m’occupe de mon père.
  2. M’accorder des pauses régulières pour accomplir quelque chose de spécial pour moi-même.
  3. Me rappeler que le réseautage est important, comme pour n’importe quel autre nouvel emploi.
  4. Me rappeler aussi que les réseaux sociaux constituent un excellent moyen de réseauter avec les autres aidants.
  5. Entrer en contact avec des associations ou des groupes d’aidants.
  6. Prendre part à des séances Zoom avec des groupes de défense des intérêts des patients et des services de soutien aux patients.
  7. Prendre le temps d’apprécier les gens qui m’aiment; ne pas les repousser.
  8. Me concentrer sur toutes les bonnes choses que je peux apporter à une amitié.
  9. Trouver le temps de prendre soin de ma propre apparence.
  10. M’aimer tout en m’accordant la permission de m’accepter comme je suis.

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